|

Le rôle des pathologies psychiatriques dans les problématiques sécuritaires.

Régulièrement, les faits divers violents interpellent l’opinion publique par leur brutalité ou leur caractère imprévisible. Il n’est pas rare que des incidents graves soient associés à des troubles psychiatriques, alimentant alors l’idée d’un lien direct entre maladie mentale et dangerosité. Cette perception, amplifiée par la couverture médiatique, soulève de nombreuses questions quant à la réalité de ce lien et aux enjeux pour la sécurité publique.

Les chiffres, pourtant, nuancent souvent ces représentations. Les troubles psychiatriques ne sont pas systématiquement synonymes de comportements violents, et leur implication dans les problématiques de sécurité est complexe. Les mécanismes psychologiques, le contexte social et les facteurs externes jouent également un rôle crucial. Face à cette complexité, il est essentiel d’apporter des éléments de compréhension clairs et documentés.

Cet article propose une sensibilisation à l’étude du lien entre pathologies psychiatriques et problématiques de sécurité. À travers des données récentes et des témoignages d’experts, nous explorerons les facettes souvent méconnues de cette question sensible.

Nous verrons ainsi quelles sont les pathologies les plus fréquemment citées dans les faits divers, ce que les études criminologiques révèlent sur la dangerosité potentielle des troubles mentaux, et quelles stratégies préventives sont actuellement mises en œuvre pour mieux encadrer ces situations.

Pathologies psychiatriques et sécurité : un lien souvent mal compris

La perception médiatique des troubles mentaux dans les actes violents

Les faits divers impliquant des individus atteints de troubles psychiatriques font régulièrement les gros titres. Ce traitement médiatique peut laisser penser que les pathologies mentales sont des facteurs de violence récurrents et significatifs. Pourtant, cette représentation est souvent éloignée des réalités statistiques.

Les médias ont tendance à privilégier les récits spectaculaires et les incidents graves, renforçant l’idée que les troubles psychiatriques sont directement liés à la dangerosité. À titre d’exemple, les affaires impliquant des personnes diagnostiquées schizophrènes ou souffrant de psychoses aiguës sont particulièrement médiatisées, même si elles représentent une minorité des cas de violence.

Pour illustrer ce décalage, le Dr Paul Leroux, psychiatre spécialisé en criminologie et professeur à l’Université de Paris, explique dans un entretien accordé à la Revue Française de Criminologie (numéro spécial de décembre 2024) :

« Il est scientifiquement prouvé que la majorité des personnes souffrant de troubles psychiatriques ne sont pas dangereuses. Les études montrent que le risque de passage à l’acte violent est bien plus corrélé à des facteurs sociaux comme la précarité ou l’isolement qu’à la pathologie elle-même. »

Bien qu’il ne remet pas en cause l’implication de certaine pathologies dans les violences et actes criminels ce point de vue nuance fortement le lien de causalité qui est souvent mis en avant dans les médias , il conviendra donc de distinguer la perception du publique des réalités cliniques afin de ne pas systématiquement amalgamer état pathologique et dérives violentes ou comportement criminels

Les chiffres: quelle proportion d’actes violents grave est liée à des troubles psychiatriques ?

Pour comprendre la véritable portée des troubles psychiatriques dans les problématiques de sécurité, il est nécessaire de se référer aux données disponibles. Les études en criminologie montrent que la proportion d’actes violents attribuables à des personnes souffrant de pathologies psychiatriques reste faible au regard de la violence globale.

Selon l’Institut National des Études Criminologiques (INEC), moins de 5 % des actes criminels graves (meurtres, agressions violentes) sont directement liés à des troubles mentaux diagnostiqués. Parmi ces cas, certaines pathologies apparaissent plus fréquemment, notamment les troubles psychotiques aigus, mais leur incidence reste marginale en comparaison des violences commises par des personnes sans antécédents psychiatriques.

Le criminologue Marc Dubois, chercheur au Centre de Recherche en Criminologie Appliquée (CRCA) et auteur de plusieurs rapports sur la violence urbaine, précise dans son ouvrage « Violence urbaine et santé mentale : mythes et réalités » (Éditions Sociales, 2023) :

« Les analyses montrent que les contextes précaires et les ruptures socio-familiales jouent un rôle déterminant dans l’apparition de comportements violents. La pathologie psychiatrique, bien que présente dans certains cas, n’est pas en soi un facteur prédictif de dangerosité. »

Cette approche permet de nuancer l’idée d’une corrélation directe entre troubles mentaux et actes violents. Si certains cas marquants peuvent donner l’impression d’un phénomène massif, les statistiques rappellent l’importance de considérer l’ensemble des déterminants sociaux et personnels.

Criminologie et santé mentale : état des connaissances

L’apport de la criminologie moderne sur le lien entre santé mentale et violence

Les sciences criminologiques ont considérablement évolué au cours des dernières décennies, offrant un regard plus précis sur les liens entre troubles psychiatriques et comportements violents. Contrairement aux idées reçues, les études contemporaines montrent que la pathologie mentale n’est pas le principal facteur explicatif des actes de violence.

Selon une étude publiée en 2024 dans la Revue Internationale de Criminologie Appliquée, seulement 4 % des actes de violence grave en Europe sont directement imputables à des personnes souffrant de troubles psychiatriques diagnostiqués. Ce chiffre est relativement stable depuis les années 2010 et reflète la complexité d’attribuer la dangerosité uniquement aux pathologies mentales.

Facteurs aggravants identifiés :

  • Précarité socio-économique.
  • Isolement social ou familial.
  • Consommation de substances psychoactives (alcool, drogues).
  • Historique de violences antérieures.

L’un des spécialistes les plus reconnus dans ce domaine, le criminologue Marc Dubois, rappelle dans son ouvrage « Violence urbaine et santé mentale : mythes et réalités » (Éditions Sociales, 2023) :

« La majorité des crimes violents est perpétrée par des individus sans antécédent psychiatrique. Lorsque des troubles mentaux sont impliqués, ils s’inscrivent généralement dans un contexte de vulnérabilité aggravée par d’autres facteurs sociaux. »

Cependant, cette position n’est pas unanime. Une étude publiée par l’American Journal of Psychiatry en 2023 nuance cette approche en indiquant que certains troubles psychiatriques sévères, notamment les troubles psychotiques non stabilisés, présentent un risque accru de comportements violents, particulièrement lorsque les patients ne sont pas suivis médicalement ou interrompent leur traitement. Cette recherche met en avant un taux de passage à l’acte de 10 % chez les personnes atteintes de schizophrénie non traitée, contre 2 % pour la population générale.

Le Dr Martha Greene, chercheuse en santé publique à l’Université de Californie, souligne :

« Bien que la plupart des personnes atteintes de troubles psychiatriques ne soient pas dangereuses, le risque de violence augmente significativement chez celles qui présentent des symptômes psychotiques sévères non pris en charge. »

Cette divergence de point de vue illustre la complexité du sujet. Si les données européennes insistent sur le poids des facteurs sociaux, certaines études nord-américaines rappellent que la gestion des symptômes psychiatriques reste un enjeu crucial pour prévenir certains actes violents.

Les profils des auteurs d’actes violents : au-delà du trouble psychiatrique.

L’analyse des profils des auteurs d’actes violents montre que le trouble psychiatrique, lorsqu’il est présent, est rarement le seul facteur explicatif. Les chercheurs du Centre d’Études Criminologiques Européennes (CECE) soulignent que les parcours de violence s’inscrivent dans des dynamiques complexes, où les antécédents sociaux et les ruptures personnelles jouent un rôle déterminant.

Les typologies les plus fréquentes :

  • Violence impulsive : souvent liée à des troubles de la régulation émotionnelle (par exemple, troubles de la personnalité borderline) ou à l’usage de substances.
  • Violence préméditée : peu corrélée aux troubles mentaux, davantage associée aux contextes criminels organisés.
  • Violence de crise psychotique : extrêmement rare, généralement dans un contexte de décompensation aiguë sans prise en charge médicale.

Le psychiatre Dr Paul Leroux, dans une intervention lors du colloque Santé mentale et sécurité publique (Paris, janvier 2025), souligne :

« Lorsqu’une personne atteinte d’un trouble psychiatrique passe à l’acte, il s’agit souvent de situations où le suivi thérapeutique est rompu ou insuffisant. Cependant, ces cas demeurent minoritaires par rapport à l’ensemble des violences commises. »

En contrepoint, le Rapport 2023 de l’Observatoire des Violences Psychiatriques en France indique que, dans certains contextes spécifiques (par exemple, les unités psychiatriques ouvertes), les incidents violents sont statistiquement plus fréquents, notamment en cas de troubles graves non stabilisés. Cela pose la question de la gestion des patients en crise et de la continuité des soins, particulièrement pour les populations précaires.

Ces perspectives contrastées rappellent que le lien entre troubles psychiatriques et violence ne peut être abordé de manière simpliste. Les variations entre contextes d’étude, pays, et méthodes de suivi influencent grandement les conclusions sur cette question complexe.


Impact des troubles psychiatriques sur la sécurité publique

Les incidents les plus médiatisés et leur analyse

Les incidents violents impliquant des personnes souffrant de troubles psychiatriques captent l’attention médiatique en raison de leur caractère souvent imprévisible et spectaculaire. Ces événements sont largement relayés par les médias, créant un effet de loupe qui peut donner l’impression d’un phénomène fréquent et significatif.

Quelques exemples récents :

  • En novembre 2024, un homme diagnostiqué schizophrène a agressé plusieurs passants dans une gare parisienne, un fait divers qui a suscité de nombreux débats sur la gestion des patients en crise.
  • En janvier 2025, une altercation ayant impliqué un jeune homme présentant des troubles bipolaires a conduit à une intervention policière musclée, largement relayée sur les réseaux sociaux.

Si ces incidents marquants tendent à structurer l’opinion publique, les données statistiques apportent un contrepoint essentiel. Selon le rapport annuel de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) publié en février 2025, sur les 12 000 faits de violence enregistrés en 2024, moins de 500 cas impliquaient des personnes sous suivi psychiatrique. Parmi eux, la majorité des actes étaient qualifiés de violences légères ou de perturbations à l’ordre public, plutôt que d’agressions graves.

Pour comprendre ce décalage, le criminologue Marc Dubois souligne dans une tribune parue dans Le Monde Criminologique (mars 2025) :

« La médiatisation excessive de certains incidents tend à créer une perception biaisée du risque. En réalité, les personnes souffrant de troubles psychiatriques sont souvent plus victimes que responsables d’actes de violence. »

Toutefois, certains experts insistent sur l’importance cruciale d’un encadrement thérapeutique strict pour les profils à risque. Le psychiatre Dr Martha Greene, lors d’un séminaire sur la sécurité publique à Boston (décembre 2024), alerte :

« La prise en charge incomplète ou discontinue des patients souffrant de psychoses sévères peut augmenter significativement les risques d’incidents. Il est essentiel que les structures de soins et les dispositifs de prévention soient renforcés pour éviter les situations de crise. »

Ce constat est partagé en France par le Pr Xavier Rouillon, chef de service en psychiatrie à l’hôpital Sainte-Anne, interrogé dans Le Bulletin de la Santé Mentale (édition janvier 2025) :

« Il existe une minorité de patients psychiatriques dont la désinsertion sociale, le refus de soins et les troubles délirants non stabilisés peuvent les amener à des comportements dangereux. Pour ces profils, seul un suivi étroit, coordonné et pluridisciplinaire permet une réelle prévention. »

Ces témoignages convergent vers un point essentiel : la stabilité clinique des personnes atteintes de troubles psychiatriques repose sur la continuité des soins, l’adhésion au traitement et une surveillance adaptée. Sans cela, le risque de passage à l’acte, bien que statistiquement minoritaire, devient significatif. La sécurité publique, dans ces cas spécifiques, est directement conditionnée par la qualité du dispositif de prise en charge.

Les enjeux de la prise en charge pour prévenir les risques

Pour limiter les situations à risque, une prise en charge continue et adaptée est essentielle. En France, plusieurs dispositifs existent pour encadrer les patients susceptibles de présenter un risque pour eux-mêmes ou pour autrui.

Les dispositifs de prévention actuellement en place :

  • Les Centres Médico-Psychologiques (CMP) : assurent le suivi régulier des patients et jouent un rôle clé dans le maintien de la stabilité clinique.
  • Les Équipes Mobiles Psychiatrie-Précarité (EMPP) : interviennent directement auprès des personnes en situation d’errance ou de grande précarité.
  • Les Unités pour Malades Difficiles (UMD) : destinées aux personnes présentant un risque élevé de passage à l’acte violent.

Les collaborations entre santé et sécurité publique :

  • Des formations spécifiques pour les forces de l’ordre ont été instaurées dans certaines régions afin de mieux appréhender les situations impliquant des personnes en crise psychiatrique.
  • Les cellules de coordination santé-sécurité permettent de mieux anticiper les risques en croisant les informations entre services sociaux, psychiatriques et policiers.

Un rapport publié par l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) en janvier 2025 souligne l’importance de renforcer ces coopérations pour limiter les interventions brutales ou mal adaptées. En effet, les interventions de police sans médiation psychiatrique préalable peuvent parfois aggraver la situation, comme l’illustrent certains incidents récents.

Exemple de bonne pratique :
À Strasbourg, le dispositif « Écoute et Apaisement », mis en place en 2024, associe des équipes de médiateurs sociaux et des psychiatres pour intervenir en amont des crises signalées. Cette initiative a permis de réduire de 30 % les interventions policières directement liées à des crises psychiatriques en un an.

Ces initiatives démontrent que la coordination entre les acteurs de santé mentale et les forces de sécurité constitue un levier efficace pour prévenir les incidents. Une prise en charge adaptée permet de désamorcer des situations avant qu’elles ne dégénèrent.

Les profils hybrides : troubles psychiatriques et motivations idéologiques, un nouveau défi pour les différents acteurs.

Depuis quelques années, de nombreux actes violents en France et en Europe ont été commis par des individus présentant à la fois un trouble psychiatrique diagnostiqué et des éléments de discours idéologique, religieux ou politique. Ces cas, que l’on pourrait qualifier de « profils terroristes hybrides », brouillent les lignes classiques de catégorisation entre violence psychiatrique, violence sociale et radicalisation.

Exemples récents :

  • Villejuif (janvier 2020) : un homme souffrant de troubles psychiatriques sévères attaque au couteau plusieurs personnes dans un parc. Il revendique une motivation religieuse au moment des faits, bien qu’aucune affiliation formelle à un groupe terroriste ne soit établie.
  • Dijon (décembre 2023) : un conducteur fonce délibérément sur des passants. L’enquête révélera une combinaison de troubles mentaux, de consommation de stupéfiants, et d’adhésion partielle à des contenus islamistes sur Internet.
  • Annecy (juin 2023) : un réfugié syrien poignarde des enfants dans un parc. L’homme présente un profil psychologiquement instable, avec des déclarations confuses à caractère mystique, évoquant à la fois des motifs religieux et personnels.
  • Rambouillet (avril 2021) : une fonctionnaire de police est tuée par un homme ayant des antécédents psychiatriques non suivis. L’acte est revendiqué par l’auteur comme une réponse à des injonctions religieuses.
  • Arras (octobre 2023) : un enseignant est assassiné dans un lycée par un jeune homme fiché pour radicalisation, ayant été suivi par les services sociaux pour des troubles psychologiques, mais dont l’évolution psychiatrique avait été jugée non inquiétante peu de temps avant l’attentat.

Ces situations posent une double difficulté pour les services de renseignement comme pour les acteurs de santé mentale : d’une part, la radicalisation peut être superficielle mais utilisée comme justification du passage à l’acte, d’autre part, la maladie mentale peut masquer des intentions idéologiquement motivées ou au contraire en amplifier l’expression délirante.

Selon une note confidentielle du Service Central du Renseignement Territorial (SCRT), citée par Le Figaro en octobre 2024, près de 17 % des signalements pour radicalisation violente en zone urbaine impliqueraient des personnes présentant des troubles psychiatriques connus, souvent sous traitement interrompu ou incomplet.

Le Pr Didier Monnet, psychiatre expert auprès des tribunaux et ancien conseiller santé du ministère de l’Intérieur, explique dans une intervention à l’École Nationale de la Magistrature (décembre 2024) :

« On observe une forme de porosité croissante entre discours délirants à contenu religieux ou politique et motivations criminelles. Le traitement de ces cas ne relève ni exclusivement du champ psychiatrique, ni uniquement de celui de l’antiterrorisme. »

En réponse à ce phénomène, certaines juridictions ont mis en place des cellules mixtes composées de magistrats, psychiatres, policiers et éducateurs spécialisés pour évaluer la dangerosité réelle et l’orientation à donner aux procédures : hospitalisation sous contrainte, poursuites pénales, ou suivi renforcé.

Ce type de profil, difficile à catégoriser, renforce l’importance de dispositifs d’évaluation multidimensionnelle à l’interface entre santé mentale et sécurité publique. L’objectif : détecter à temps les signaux faibles d’un passage à l’acte, qu’il s’inscrive dans une logique délirante, revendicative ou mixte.


Prévention et action : repenser le lien santé mentale et sécurité

Les stratégies pour anticiper les crises

L’un des leviers les plus concrets pour réduire le risque d’incidents impliquant des personnes souffrant de troubles psychiatriques est la prévention en amont des crises. Cela passe par une détection précoce des signaux de décompensation, une continuité dans le parcours de soins, et une vigilance particulière pour les profils à risque connu.

Les signes avant-coureurs d’une crise psychiatrique pouvant déboucher sur un passage à l’acte :

  • Rupture brutale de traitement médicamenteux.
  • Isolement social marqué.
  • Discours délirants de plus en plus hostiles ou teintés de violence.
  • Apparition d’idées de persécution, de vengeance ou de mission.
  • Repli et refus de tout contact, même avec des aidants connus.

Rôle des proches et de l’entourage :
Les familles, voisins ou collègues jouent un rôle fondamental d’alerte. Une bonne connaissance des signes de décompensation permet d’agir tôt. Les dispositifs tels que le « numéro vert santé mentale » (3114), ou les Pôles de psychiatrie d’urgence en milieu hospitalier, permettent de signaler une situation préoccupante ou d’obtenir un premier avis clinique.

Rôle du médecin généraliste :
Le médecin traitant, souvent le professionnel de santé le plus accessible, est fréquemment sollicité en première intention par les familles ou le patient lui-même. Il peut jouer un rôle décisif dans :

  • L’évaluation initiale de la situation clinique (troubles du comportement, idées suicidaires, symptômes délirants).
  • L’orientation vers un CMP, un psychiatre libéral ou un service hospitalier en fonction du degré d’urgence.
  • Le rétablissement du lien de soins chez un patient qui a rompu son suivi.
    La relation de confiance construite sur le long terme avec un médecin de famille constitue souvent une passerelle efficace pour désamorcer les crises avant qu’elles ne dégénèrent.

Dispositifs publics existants :

  • Cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP) : mobilisées après des événements violents ou pour soutenir les individus fragiles.
  • Équipes Mobiles d’Intervention Crise (EMIC) : se déplacent à domicile pour évaluer la situation de patients signalés comme instables.
  • Programmes de suivi renforcé pour les personnes hospitalisées sous contrainte après un acte violent, souvent gérés par des équipes pluridisciplinaires.

Dans son rapport de novembre 2024, l’Inspection Générale des Services de Santé (IGSS) recommande une meilleure structuration du suivi post-hospitalisation, en particulier pour les patients déjà impliqués dans des incidents antérieurs. Le rapport souligne qu’un tiers des récidives violentes chez les patients souffrant de troubles psychotiques surviennent après un défaut de coordination entre les structures hospitalières et les services sociaux.

Renforcer la coordination entre les acteurs de la sécurité et de la santé mentale

Dans les situations de crise ou de danger potentiel, l’efficacité de la réponse dépend de la capacité des différents acteurs à travailler ensemble. Cela suppose des protocoles clairs entre services de santé, police, gendarmerie et justice.

Initiatives de coordination existantes :

  • Les CLSPD (Conseils Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance), qui intègrent de plus en plus des représentants du secteur psychiatrique.
  • Les « équipes mixtes d’intervention » expérimentées à Toulouse et Lyon, composées de policiers formés aux troubles psychiatriques, accompagnés d’un intervenant médical.
  • Les stages de sensibilisation aux troubles mentaux organisés pour les agents des forces de l’ordre dans certaines écoles de police, en lien avec les CHU.

Exemple concret :
À Nantes, un partenariat entre le centre hospitalier psychiatrique et la préfecture a permis la mise en place d’un « protocole de crise codifié » : en cas de signalement d’un comportement instable, la police n’intervient jamais seule. Un binôme avec un professionnel de santé est systématiquement engagé. Ce dispositif a réduit de 40 % les usages de la force en contexte psychiatrique entre 2022 et 2024 (source : Préfecture de Loire-Atlantique, janvier 2025).

Ce que peut faire un citoyen :

  • Signaler sans dramatiser : un comportement étrange ou inquiétant ne signifie pas systématiquement danger imminent, mais peut justifier une alerte préventive auprès d’un CMP ou du SAMU social.
  • Ne pas intervenir seul face à une personne en crise : privilégier l’appel à des professionnels formés.
  • Être informé : des modules de sensibilisation existent en ligne (ex : MHE – Mental Health Europe) pour reconnaître les signes d’urgence psychiatrique.

Enfin, de nombreuses associations proposent des formations de premiers secours en santé mentale (PSSM), calquées sur le modèle des gestes qui sauvent. Elles permettent à tout citoyen de réagir avec bon sens et prudence face à une personne en détresse psychique.

Conclusion

Entre inquiétude légitime et idées reçues persistantes, la place des troubles psychiatriques dans les problématiques de sécurité reste un sujet piégé. On oscille trop souvent entre deux extrêmes : l’angélisme qui minimise les risques réels de certains profils instables, et la stigmatisation qui voit dans chaque trouble mental une bombe à retardement. La réalité, elle, se tient entre les deux, complexe, rugueuse, nuancée, souvent silencieuse.

Ce que montrent les faits, les études, les témoignages croisés de psychiatres et de criminologues, c’est que la maladie mentale n’est ni l’ennemie n°1 de l’ordre public, ni une cause négligeable. Elle est un facteur parmi d’autres — parfois secondaire, parfois central — qu’il faut savoir évaluer, contenir, accompagner.

Ce défi appelle moins à une posture qu’à une méthode : mieux repérer les signes de crise, renforcer les relais entre hôpital, famille, forces de l’ordre, et cesser d’opposer soin et sécurité. Car là où l’on ne traite plus, ou mal, les troubles graves, les dérives individuelles peuvent devenir des drames collectifs.

L’écrivain et psychiatre Jean Delay, dans un discours prononcé à l’Académie française en 1961, rappelait avec acuité :

« La folie est une tragédie privée que l’indifférence transforme en fait divers. »

Prévenir cette indifférence, c’est peut-être aujourd’hui la forme la plus responsable de vigilance citoyenne. Ni paranoïaque, ni naïve : informée, outillée, à hauteur d’homme.

🔎 À savoir :

📞 Numéros utiles

  • 3114Numéro national de prévention du suicide, accessible 24h/24, gratuit et confidentiel.
  • 15 (SAMU) – En cas d’urgence vitale ou de crise psychiatrique aiguë nécessitant une intervention immédiate.
  • 17 (Police/Gendarmerie) – Si la situation implique un danger pour autrui ou un trouble à l’ordre public.
  • 115 – Pour signaler une personne en détresse dans la rue (urgences sociales).

🏥 Structures spécialisées

  • CMP (Centres Médico-Psychologiques) : structures de proximité assurant un suivi psychiatrique gratuit, sur rendez-vous. Trouvez le CMP le plus proche via annuaire.sante.fr.
  • CUMP (Cellules d’Urgence Médico-Psychologique) : mobilisables via le SAMU après un événement traumatique ou en situation de crise.

📚 Ressources et sensibilisation

  • pssmfrance.frPremiers Secours en Santé Mentale : formations ouvertes aux citoyens pour apprendre à réagir face à une personne en souffrance psychique.
  • sante.gouv.fr – Informations officielles sur les dispositifs de soins psychiatriques en France.
  • vie-publique.fr – Dossiers thématiques sur la sécurité, la psychiatrie et la prévention des risques.

Publications similaires